Du réel à l'imaginaire, itinéraire d'un humaniste.

Flamand en Flandres, Flamand à Montparnasse, Européen de culture et Flamand de cœur, Nicolas Eekman naît à Bruxelles de parents hollandais, dans la chambre où Hugo commença à écrire les Misérables. Il sera plus tard, lui aussi l'ami des pauvres, des gueux, des paysans,des misérables de sa terre natale.

Eekman avait jeté l'ancre à Montparnasse en 1921. Il restera au port 52 ans, il y travaillera sans relâche jusqu'à l'âge de quatre-vingt-quatre ans. Il édifie en un demi-siècle une œuvre de peintre et de graveur d'une puissante originalité.

Eekman s'est penché avec humilité sur la réalité quotidienne de son pays, champs et rivages, dunes et polders. Il dévisage ceux de son peuple avec une patience amicale, bergers et pêcheurs, moissonneurs et sorcières, baladins et mendiants.

Ce visionnaire fantastique qui croise dans ses rêves vrais Till Ulenspiegel et le bestiaire des fées, les passants du cauchemar et les poissons volants, les moissonneurs aux champs ou les marchands d'oiseaux dans la rue, est aussi ce dessinateur au trait serré et aigu.

Il n'est pas surprenant qu'à propos de ce "Flandrien" d'aujourd'hui, on ait pu prononcer de grands noms d'autrefois, les noms des maîtres flamands et hollandais qu'il saluait en effet comme ses maîtres : Jérôme Bosh, Van Gogh et avant tout Breughel.

Le grand Historien de l'art flamand, Paul Fierens, a très bien situé l'œuvre d'Eekman dans son lignage et sa tradition intérieure : Breughel, écrit Fierens, ce n'est pas seulement la technique qu'Eekman admire dans l'œuvre du plus grand peintre des paysans. Mais il y a quelque chose de "breughelien" dans l'art du Hollandais moderne, cela tient moins à une influence subie qu'à une communauté de sentiment entre le vieux maître et le jeune graveur et peintre, à l'égard du peuple, de ses coutumes, de ses façons d'être et d'agir.

"Eekman, écrira le poète Maurice Fombeure dans l'essai qu'il lui consacrera; Eekman est un grand peintre flamand, et universel, dans la lignée de Breughel et Jérôme Bosch. Pour mieux le situer on pourrait encore pousser vers le Calot de la Tentation de Saint-Antoine, certains Goyas, et plus près de nous, James Ensor. Eekman nous propose et nous impose la vision d'un monde où le fantastique pousse directement et dru sur un fond de réalité fidèle à une race et à un terroir solide.

Eekman a marché toute sa vie sans se préoccuper de savoir s'il avançait sur un sentier sauvage ou un boulevard à la mode. Passant avec la même maîtrise de la peinture à l'huile à la gravure sur bois, du dessin à la pointe sèche, il a construit une œuvre qui pouvait parfois sembler à l'écart. On s'aperçoit aujourd'hui qu'elle se situe, au contraire, au centre même de l'avenue centrale de l'art contemporain, à ce carrefour où le regard intérieur et l'œil ouvert sur le monde s'épousent et se confondent.

Claude Roy (extraits de l’ouvrage “Nicolas Eekman” aux Editions Somogy)

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